Elle est née dans une famille bourgeoise et traditionnelle... Comme souvent c’est dans les origines qu’il faut chercher le futur. Très vite avec sa soeur "Poupette" (Hélène), elle s’est frottée aux non-dits, aux obligations, aux tabous (sexualité : la chair est péché, religion : obligation de croire en Dieu) Simone revendique son indépendance (“je me ferai professeur”), ses refus du mariage et de la maternité.
D’où une totale incompréhension, pis une opposition avec sa mère, Françoise, alors que Georges le papa, avocat, perçoit une identité différente : « Pour mon père, je n’étais ni un corps ni une âme mais un esprit raconte-t’elle. »

En ce début de XXème siècle, ce non-formalisme choque, dérange. Simone de Beauvoir pose un regard sans concession sur elle-même. Elle désire avant tout obtenir son indépendance intellectuelle... A l’inverse de sa grande amie "zaza" (Elizabeth Mabille) qui ne voit dans sa vie aucune autre alternative pour les femmes que le mariage ou le couvent et qui finira sa vie, dans la folie dans sa certitude d’être "le déchet" !
Jeunesse d’opposition mais aussi d’affirmation de son soi, de refus de se couler dans le moule imposé par la société bien pensante.

C’était écrit ! Dans ces conditions, bien avant de se connaître, sa ligne de vie et celle de Jean-Paul Sartre allaient tout naturellement se rejoindre.
Ce fut le cas en 1929 !

"Castor" et Jean-Paul

Et pourtant ! “Il est laid, volontiers préremptoire, dévoré d’ambition littéraire, en un mot il est.... irrésistible !” Tel fut, vrai de vrai, le premier commentaire de l’une sur l’autre. D’une intelligence hors norme, ils finirent tous les deux premier (pour l’homme) et seconde de l’Agrégation de philo sur un thème cousu main : "Liberté et contingences".

Jean-Paul Sartre et "Castor" (c’est ainsi qu’il appelait Simone : castor se traduisant par beaver en anglais !), qui tout au long de leur vie se vouvoyèrent étaient faits pour se rencontrer, s’aimer _d’un "amour nécessaire" _ et prônant également l’amour "libre", nommé pour eux "l’amour contingent". Et bien sûr disserter à longueur de livres, de rencontres, de verres au "Flore", dans le Paris de la pensée.

“D’entrée Simone de Beauvoir a été dominée par Jean-Paul Sartre mais ils ont eu ensemble une aventure intellectuelle hors du commun. Ils voulaient dynamiter la bourgeoisie mais vivaient tout de même comme des grands bourgeois !"

Entre ses amours masculines (Algren, Bost, Claude Lanzmann) et ses aventures... féminines, elle revenait toujours à Sartre, passait des vacances avec lui mais si l’un a beaucoup marqué l’autre, Simone de Beauvoir a su exister de ses propres ailes et marquer un siècle qu’elle a connu presque en entier (naissance en 1908 et mort, à Paris également, en 86).

Ainsi en mettant de côté cette vie tumultueuse, amoureuse, studieuse avec Sartre, l’existentialisme, les engagements politiques avec la revue
"les temps modernes" vers le socialisme pragmatiste, le communiste, puis le maoïste ("la cause du peuple" en 68), ses interrogations sur le monde ("l’Etre et le Néant") c’est certainement son engagement dans le combat féministe qui a le plus marqué les convictions de Simone de Beauvoir. Et cette volonté d’émancipation de la femme uniquement possible par l’acquisition de l’indépendance.

Le deuxième sexe

Dans l’importante bibliographie de cette Parisienne de souche et de vie, le "deuxième sexe"occupe une place à part. Il s’agit là de son oeuvre-phare de l’avis de beaucoup.

Dans cette période d’après-guerre (49), cet ouvrage dénonce une société qui aliène la gent féminine. Elle pourfend d’une manière forte les préjugés de la femme-mère, le monde de la femme au foyer "dévouée et infantilisée". Le monde était un monde masculin : "C’est gràce aux études et au travail qu’on peut s’émanciper. On ne nait pas femme, on le devient !". Avec également la volonté d’avoir la liberté de son corps et de pouvoir en disposer... "La fonction reproductrice a été un fardeau historique et nuisible à l’émancipation de la femme a t-elle pu aussi assurer !“
On se situe là, loin, très loin de son éducation religieuse et bourgeoise de son enfance à l’Institut "Désir" (cela ne s’invente pas !).

Et si ses romans ont un peu vieilli assure Olivier Macaux, ses ouvrages, ses essais philosophiques ont beaucoup marqué et ont constitué une coupure totale avec le monde de l’époque. Il s’agit là d’une conception de l’existence qui repose sur l’expérience ô combien difficile de la Liberté.
L’un de ses derniers ouvrages (les "Mandarins" en 54) qui met en situation trois personnages fictifs qui ressemblent comme... trois gouttes à Jean-Paul Sartre, Albert Camus et Simone de Beauvoir va même plus loin... en évoquant la menace nucléaire.

Ecrivain, philosophe, féministe ô combien novatrice, l’auteur du "deuxième sexe" aurait-elle aimé vivre à l’époque actuelle où la condiition féminine a tout de même bien progressé... dans les pays civilisés tout au moins ?
"Difficile à dire mais je pense qu’elle aurait été assez critique concernant le fait que l’on enferme les gens dans une catégorie..."

La Liberté, celle qu’elle a prônée tout au long de sa vie n’aime pas les cages ni les cloisons !

Michel LE NÉEL