« BLOAZ GOUDE BLOAZ »
Jour après jour,

Conférence ( 26 mars 2013) de Marcel DIOURIS, professeur de biochimie et de physiologie générale, en retraite, auteur de la biographie « Anjela DUVAL, une histoire de deuils impossibles ». Enfant, il a vécu à Traoň an Dour, au Vieux Marché. Ses parents cultivateurs étaient voisins d’ Angèle DUVAL.

Née en 1905, Angèle est conçue tardivement car ses parents ont perdu un petit garçon à la naissance et une fillette âgée de 11 ans d’une méningite, Maïa, qu’Angèle évoquera dans certains poèmes. Elle est couvée car ses parents sont inquiets pour sa santé.

Elle est scolarisée chez les religieuses à TREGROM, à l’âge de 8 ans, à cause d’une maladie des os. Elève brillante, elle réussit son certificat d’études à 12 ans. Elle aime lire. Elle sait reconnaître le chant des oiseaux, leurs noms et ceux des plantes. Son vocabulaire est fort riche. Elle manie fort bien le français. Elle aurait aimé poursuivre ses études mais ses parents étant âgés et étant fille unique, elle doit les aider à la ferme.
Elle suit des cours d’agriculture par correspondance. A 15 ans, elle confie dans un cahier « J’aimerais être poétesse, c’est mon désir ici-bas sur terre ». Elle recopie des poèmes en français et en breton le soir après ses travaux des champs.

Angèle est très belle et fort courtisée par les paysans mais ses parents étant propriétaires souhaitent qu’elle épouse quelqu’un de leur milieu. En 1924, elle correspond avec un officier dont elle est éprise mais doit renoncer à s’unir à lui car il aime la mer et elle la campagne.

Ses parents vieillissant, elle assume le plus gros travail de la ferme et consacre moins de temps à l’écriture et à la lecture. Son père meurt en 1941 laissant sa mère très malade. Dépressive, elle ne peut plus s’occuper de la ferme. Angèle s’occupe de sa mère jusqu’à la mort de sa mère en 1951.

La poésie d’Anjela DUVAL évoque la nature, puis son quotidien, ses peines, ses souffrances… Ses poèmes sont simples, ils ont un ton un peu incantatoire. Elle évoque sa tristesse de ne pas avoir eu de fils … car les exploitations se transmettent de génération en génération.

Elle collabore à la revue Ar Bed Keltiek, revue généraliste dirigée par Roparz HEMON, ce qui est fort rare pour une paysanne.
Grâce à son environnement scolaire, elle participe au Mouvement Ar Falz, à la mort de Yann SOHIER, qui fut repris par Yann KERLANN.
En 1958, elle rencontre l’abbé DUBOURG, directeur de l’école privée du Vieux Marché qui la met en relation avec Yvonne MARTIN avec laquelle elle correspondra toute sa vie en breton. Mme Yvonne photographiait tout le monde, ses photos sont désormais visibles sur Internet.

Roger TREDANT, élevé par ses grands-parents décide de participer au concours Ar Falz. Il se fait aider par Angèle ..En fait, c’est elle qui écrit sa copie qui remporte un prix en 1958.

Encouragée par ce succès, elle décide d’y participer en 1959 et obtient un prix.

En 1962, elle publie son premier poème et prend le nom d’Anjela DUVAL. Elle change de statut : de paysanne, elle devient écrivain.
Dans le poème « Bro va c’havell » , on sent la dualité paysanne/écrivain

Au début , l’abbé Marsel KLERG, directeur de la revue catholique Barr-heol (rayon de soleil sur fond de Bretagne) corrige les poèmes d’Angèle « il les tamise, et il n’en reste que des miettes », puis il n’a plus besoin de les retoucher. Puis il lui réclame des poèmes pour alimenter sa revue ce qui rend Angèle très fière !
Mouvement GALV tend au renouveau de la langue et de la culture bretonne.
Encore méconnue du public français, elle se fait connaître grâce à l’émission d’André VOISIN « Les conteurs » en 1971. Les gens sont émerveillés par sa simplicité. C’est la fin de son isolement, ceux qui viennent la voir partagent ses idées et elle rembarre ceux qui ne viennent que par curiosité !
Elle reçoit des milliers de lettres auxquelles elle tient à répondre individuellement, ce qui occupe son temps.. et elle produit moins de poèmes ou de nouvelles en prose.

Dans les années 70 : vagues d’attentats du FLB. Des gens sont arrêtés et Angela leur apporte son soutien . Sa poésie va évoluer , devenir engagée et militante. Elle écrira au Procureur de la République, pour lutter contre le nucléaire (PLOGOFF), soutenir les jeunes..

En 1973, elle reçoit le Prix Bretagne , à Paris « Kan an douar » est le meilleur recueil en breton. Son succès nécessite une réédition.
Le flux des visiteurs se calme : Anjela a plus de temps pour écrire. La poétesse reçoit les TV finlandaise, belge, la BBC et France3.
Elle tient à continuer ses travaux à la ferme et accepte l’aide d’un tracteur mais elle continue le battage à l’ancienne.

Sa santé décline, elle est hospitalisée à l’hôpital de LANNION et accepte d’être transfusée « si c’est du sang français » ! Elle meurt en 1981, à l’âge de 76 ans.

On retrouve ses poèmes mis en musique par divers artistes de la chanson bretonne contemporaine par les TREGUERIZ et Nolween LEROY dans son album « Bretonne ». Gilles SERVAT lui consacre une chanson « Traoň an Dour »