Les gabares (et les gabariers), phénomène local et éphémère sans doute mais fierté de Lampaul-Plouarzel, sur la riche gauche de l’Aber-Ildut...
Yann Riou, professeur de maths à l’ISEN (Institut Supérieur de l’Électronique et du Numérique) où il est responsable des classes préparatoires, invité mardi 5 février de l’UTL en Iroise, connait son sujet sur le bout de ses voiles.

Grâce aux documents des Archives de la Marine par exemple mais aussi avec des photos de famille et de nombreux, très nombreux témoignages du côté de Porscave ou de Porspaul. Ici et là, on évoque cette période d’un petit demi-siècle : "On retrouve la première gabare en... 1407 (pour décharger du vin à Lampaul) mais ces gabares connurent, surtout, leurs heures de gloire entre 1900 et 1940 : avec plus de 35 bateaux au début de la Grande Guerre."
Avant d’aller participer après 1945 à la reconstruction de Brest.
Bateaux construits à Paimpol puis Camaret, ventrus et pouvant échouer n’importe où ; dundee, sloop, tape-cul, goëlette latine ou à hunier, ces navires avaient comme vocation le transport des marchandises...

Avec des cargaisons fort variées au gré des demandes : charbon, pierre, granite de Lanildut, sable de mer ou de rivière, ciment, galets de Béniguet, bois de chauffage, poteaux de mines, sel, vin (avec la tentation parfois de finir le remplissage des barriques avec de... l’eau !), primeurs, pommes de terre, etc...

Le moteur à partir de 1930

Le tout dans des conditions fort difficiles :
"Ce n’est qu’à partir de 1930 que la benne a commencé à remplacer la simple pelle ou le treuil pour charger les marchandises et lever l’ancre. Au même moment sont apparus les moteurs (de pompes puis de propulsion). Auparavant les voiles étaient les seuls moyens de se déplacer."
Généralement les missions duraient une semaine environ. Sauf pour le transport des pommes à cidre avec des allers et retours entre la Rance et Lézardrieux pendant plusieurs mois.
Si le cabotage était souvent de mise (dans une fourchette entre Morlaix et Concarneau), les destinations étaient parfois plus lointaines : Bordeaux, Lisbonne, Le Havre, les Iles Britanniques (avec les célèbres oignons de Roscoff)...

Rarement "en cheveux" (sic : sans bonnet), en chemise blanche, le gabarier de Lampaul n’était pas peu fier de son métier :
"Il était sans doute audacieux mais aussi chauvin, orgueilleux. Un peu méprisant aussi pour les "sous-hommes", les "Rifains" se contentant de la pèche ou du goëmon." Une "caste" se croyant un peu supérieure !
Le célèbre et couru pardon de Trézien (1e dimanche de Septembre) permettait à Jo Ki Roux (Joseph chien roux), Paol Ar C’hleiz (paul le gaucher) ou Yoen ji (Yves, époux d’Anastie) et tant d’autres de se mettre en valeur.
Un monde à part. Avec un enrichissement important : "il n’était pas rare que le propriétaire d’une gabare en offre une à ses enfants comme cadeau de mariage."

En ces temps-là, ces "cargos" locaux, ancrés pour la plupart de l’autre côté de l’Aber, à Lanildut constituaient la richesse d’une région où fleurissaient les maisons cossues. Beaucoup de celles-ci, encore debout, témoignent de cette période révolue mais encore bien présente dans l’esprit des anciens peu avares de leurs souvenirs...

Michel LE NÉEL

Notre photo : Yann Riou en compagnie de son oncle, ancien gabarier.

Portfolio

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