Au XIXe siècle, une femme issue de la grande bourgeoisie française avait bien peu de chances de devenir peintre professionnelle. C’est pourtant le destin que Berthe Morisot s’est bâti obstinément, qui plus est au cœur des avant-gardes.

Elle est née en 1841 à Bourges. Son père, Edme Tiburce Morisot, est alors préfet du Cher. Berthe est la troisième de quatre enfants. Elle a deux sœurs. Elle fréquente à l’adolescence le cours Desir, un collège privé d’excellente réputation. Sans doute leur mère, Marie-Cornélie a-t-elle quelques regrets d’avoir reçu une éducation plutôt fruste. Aussi veille-t-elle à l’éveil artistique de ses filles, qu’elle appelle ses « bijoux » ; Camille-Marie Stamaty, qui eut Camille Saint Saëns pour élève, leur enseigne le piano et, pour apprendre le dessin, elles se rendent chaque semaine dans l’atelier du peintre Alphonse Chocarne, professeur rigoriste et sans passion, pourfendeur des audaces de Delacroix.

Les Beaux-Arts sont interdits aux femmes et le resteront jusqu’en 1897. Les sœurs copient donc les grands maîtres au Louvre. Leurs parents leur font construire en annexe de leur maison de Passy un atelier, comme un bel encouragement. Dès 1864, elles présentent leurs tableaux au Salon. En 1865, dans la salle des « M », leurs œuvres côtoient l’Olympia de Manet, qui cause un scandale terrible. Elles se reconnaissent dans cet idéal de peindre ce qu’on voit et pas ce qui devrait être, de saisir l’impression d’un moment. Berthe déclare volontiers à l’époque qu’elle n’aime que la peinture ancienne, dont celle de son ancêtre Fragonard, et les choses parfaitement nouvelles.